samedi 30 janvier 2016

Mulholland Drive, David Lynch, 2001


Laura Elena Harring, Naomi Watts

Essayez donc de tendre l'oreille à la sortie du film, c'est peut-être le seul pour qui se promener à la sortie des salles n'est pas dangereux quant à la préservation du suspens : " j'ai rien compris ", " tu sais qui c'est toi ce mec qu'on voit à un moment ? "… Après tout, c'est un film de David Lynch.

Les journaux nous ont prévenus : Mulholland Drive est une route sinueuse qui serpente jusqu'à la colline de Hollywood, Mulholland Drive est un film où l'histoire se soumet à des virages à 180° si ce n'est que la voiture sort de la route secouée de moult tonneaux. Les novices en matière d'histoires "lynchiennes" risquent d'être décontenancés voire frustrés. Je dirais, amusée, que pour certains Lynch méritera d'être lynché pour les laisser dans une brume où se fond des bribes d'histoire… Mais les amateurs se régalaient d'avance et n'ont pas été déçus et finalement beaucoup de prétendants au baptême cinématographique ont tout à fait accepté de simplement se laisser porter… malmener ?





Il est difficile d'évoquer l'histoire sans altérer la surprise que l'on reçoit au dernier tiers du film. Je vous dirai simplement que tout commence avec cette brune plantureuse, miraculeusement sortie d'un accident de voiture qui malgré tout l'aura sauvée d'un assassinat. Secouée, visiblement amnésique, elle se réfugiera dans un appartement de Sunset Boulevard dans lequel arrivera Betty, petite blonde prétendante à une carrière de star, armée de toute sa naïveté et son enthousiasme presque énervant, certainement entaché de ridicule. C'est ce même enthousiasme qui la poussera à enquêter avec cette fille qui se prénommera elle-même Rita, " comme dans les films ", afin de lui redonner son passé. Cependant, comment parler de ce jeune réalisateur égocentrique qui se voit imposer une illustre inconnue comme premier rôle de son film ? De ce mystérieux bonhomme qui semble diriger toute l'industrie cinématographique d'une façon presque paranormale ? De ce Cow-Boy irréel ? De ce petit gars qui fait un cauchemar mortel ? Et ce tueur à gages nullissime qui rate tout ce qu'il entreprend ? Pas de véritable importance lorsque l'on croit finalement reconstituer à peu près le puzzle…Mais on se sent un peu bête lorsqu'au même moment il vole en éclats pour plonger tous ces personnages dans une sorte d'univers parallèle où ils évoluent parfois sous des noms différents, parfois avec des personnalités complètement différentes, comme si les identités étaient brusquement devenues interchangeables.

Laura Elena Harring

Difficile d'aller plus loin car à partir de là, ce que l'on croyait clairement établi depuis le début s'écroule et l'on est bringuebalé entre le passé et le présent de personnages qui ont perdu tout repère, et c'est là le point fort de David Lynch : la capacité de nous projeter dans la tête de quelqu'un livré à ses pulsions et ses sentiments dévastateurs. Ce peut-être assez perturbant mais cependant très intéressant d'expérimenter les hallucinations et les angoisses de quelqu'un dévoré d'envie, de colère et tous ces sentiments violents mais pourtant obsédants, ceux qui prennent en otage l'esprit d'une personne sans qu'elle puisse se défendre. Nous, pauvres gens équilibrés (dans la mesure du possible), nous sentons brusquement tout petits devant cet étalage de désespoir colérique.


Naomi Watts

Reste pour dédramatiser, l'humour cynique de David Lynch, les images superbes et le mythe hollywoodien touché de près, même s'il se désagrège ensuite. Je vous le redis encore, même si c'est un film que j'ai véritablement adoré et qui m'obsède encore depuis trois mois (et je ne suis pas la seule, croyez-moi), j'aimerais que tout le monde puisse l'apprécier de cette façon. Cependant, il est vrai que c'est impossible et je préfère vous prévenir que si vous n'appréciez que les histoires linéaires et compréhensibles de but en blanc, mieux vaut ne pas tenter l'expérience, car vous vous sentiriez réellement frustrés. Par contre si vous aimez l'univers de David Lynch, si vous avez aimé Lost Highway, Twin Peaks ou Blue Velvet, je vous promets que Mulholland Drive garantit des débats effrénés sur une histoire complexe, labyrinthique et génératrice de tant d'interprétations…




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