samedi 30 janvier 2016

Babel, Alejandro Gonzales Inarritu, 2006


Boubker Ait El Caid, Saïd Tarchani

J'ai entendu beaucoup de gens dire que le réalisateur se reposait un peu sur ses acquis : une idée de départ et des histoires parallèles qui finissent par se rejoindre en un point d'orgue émotionnel (illustrant l'idée à partir de laquelle le film a été construit), pour se séparer à nouveau. On ne peut pas dire le contraire. Cependant, jamais ce principe n'aura été aussi adéquat que dans Babel : quatre histoires, quatre communautés représentées (des arabes, des latinos, des américains et des japonais), dont les destins se rejoignent autour d'un même événement.


La bande annonce donne le ton immédiatement, expliquant le mythe biblique de la tour de Babel et la naissance des différentes langues parlées sur terre : pour diviser et amoindrir la force des hommes construisant une tour qui pourraient les emmener jusqu'à lui et les élever à son niveau, Dieu, jugeant cette entreprise d'une rare prétention, leur attribue différents dialectes pour les empêcher de se comprendre. L'affiche donne, elle, un indice de plus : elle nous demande d'écouter. Et c'est effectivement ce sur quoi le film insiste : d'un bout à l'autre de l'histoire, on est en présence de personnes qui parlent beaucoup, toutes haussant la voix pour se faire entendre (même lorsqu'elles parlent la même langue) sans prêter d'oreille attentive. Tout ce petit monde se débat, mais personne n'est entendu, chacun est seul. Barrière de la langue et défaut de communication, mais aussi parfois barrière de la culture (préjugés que certaines castes développent vis à vis des autres civilisations soi-disant moins évoluées), et des capacités sensorielles : l'un des personnages est enfermé dans sa surdité et son mutisme au milieu d'une société hyperactive. Mais ça n'est pas encore cet aspect du film, pourtant déjà très réussi qui m'aura le plus marquée.

Cate Blanchett, Brad Pitt

Ce qui m'a frappée, c'est que le film rend compte d'une tension angoissante entre le grand et le petit : un petit évènement qui peut impliquer quelques personnes disséminées aux quatre coins de la planète sans qu'elles s'en rendent compte réellement. Et tout au long du film, se produit le glissement des espaces immenses inspirant la plénitude, ou des villes grouillantes, vers des endroits désolés, empreints de solitude, ou clos, pour finalement nous rappeler que bien que cette planète soit peuplée de milliards d'habitants, répartis plus ou moins régulièrement sur sa surface, il est pourtant possible de s'y sentir confiné, extrêmement à l'étroit ou seuls, où que l'on se trouve.

Adriana Barraza

Toute cette tension et ce brouhaha de mots lâchés les uns par-dessus les autres viennent illustrer quatre histoires émouvantes qui prouvent à elles seules que ceux qui se croient séparés par une incapacité à communiquer peuvent se voir réunis au cœur d'un événement dramatique; que ceux qu'une tragédie a séparés peuvent finalement se comprendre grâce à un simple geste ou un regard; ou alors qu'au contraire ceux qui pensent être à l'écoute peuvent s'avérer inattentifs et incapables de comprendre. Les mots ne sont pas tout, le langage du corps et du cœur est universel.


Enfin pour accompagner cette histoire, le réalisateur nous offre des moments de simple contemplation, s'attardant sur la beauté d'un paysage, d'un visage ou d'un mouvement, portés par une musique cosmopolite et intemporelle.

Rinko Kikuchi

Babel est une oeuvre vaste à la mesure du mythe auquel elle rend hommage.

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