mardi 2 février 2016

Les Saisons, Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, 2016




Il y a vingt ans, un peu par hasard, je découvrais Microcosmos. Je me souviens m'être sentie rajeunir au fil de ce très beau documentaire et de m'être laissée bercer par l'histoire que me racontaient les bruits des insectes, de la pluie, du vent, la musique de Bruno Coulais, et parfois la voix de Jacques Perrin. Au fur et à mesure que progressait le film, on pouvait se prendre à sourire, rire, sursauter, et ressentir une réelle empathie pour tout ce petit monde grouillant, sonore et coloré. 




Dès le début des Saisons, on sait qu'il se passera exactement la même chose. Nous revoilà en terrain connu, puisque l'histoire que nous racontent Jacques Perrin et Jacques Cluzaud est magnifiquement accompagnée par la musique de Bruno Coulais, et interprétée par les animaux qui peuplent notre continent. L'équilibre entre la voix-off, la musique et les bruits de la vie sauvage est parfait. S'entame alors le récit de 12 000 ans d'histoire en Europe, et la forêt s'étend sur la majeure partie du territoire. Tout semble en harmonie, et l'on a aucun mal à s'imaginer caché à l'abri des feuillages, observant le ballet que constitue la vie animale, nous voyant l'ouïe et la vue flattés par les sons et les danses que constituent les combats des ours, les jeux de leurs petits, la chasse des loups, la naissance d'un faon, ou l'envol d'une nuée d'oiseaux laissant à nu un arbre que ses feuilles avaient précédemment délaissé. L'homme est là lui aussi. Une ombre chevelue vêtue d'une peau de bête qui dialogue avec les oiseaux muni d'une flûte. Tout est fait pour que l'on se sente en paix devant ce spectacle, et que l'on se sente presque vivant parmi ces bêtes pour qui l 'on se prend d'affection très rapidement. 




Puis le territoire occupé par la forêt s'amenuise. Petit à petit, l'homme se fait moins discret. De la vénération des arbres et des sources, il se dirige vers un culte à la démesure. Les images se font alors plus dures: les animaux se replient, et sont forcés de chercher un nouvel équilibre au sein d'un territoire qui change parfois trop vite pour eux. L'empathie que l'on ressent à leur égard, et dont le scénario et la mise en scène de ce documentaire sont les habiles artisans, nous pousse presque à déceler dans leur regard de l'incompréhension et de l'incrédulité, face à ces changements et à la transformation de son ancien colocataire en prédateur. 







Enfin, sobrement, se fait le constat des conséquences de siècles faits d'un déséquilibre orchestré par l'homme. Notre sourire a disparu, et la prise de conscience est brutale, presque douloureuse, peine accentuée par des images, tout aussi belles malgré tout, d'un ours extrêmement amaigri tentant de rejoindre les hauteurs d'un nouveau territoire de plus en plus improbable pour lui. L'homme est désormais omniprésent, et lorsqu'il est filmé, c'est ouvertement. Mais même si la plupart sont montrés chassant et asservissant leurs anciens amis, quelques moments de poésie subsistent, comme ce petit soldat tentant d'oublier les horreurs de la guerre en observant les oiseaux.


Jacques Perrin et un geai des chênes

Et ainsi, Jacques Perrin et Jacques Cluzaud sont libres d'emmener tout de même leur documentaire vers une note optimiste qui nous aide à nous rendre compte que, bien que regarder le miroir qui nous est tendu soit difficile, le faire est nécessaire si cela peut nous permettre de partir très vite tendre la main à nos petits colocataires d’autrefois afin de rendre à nouveau la répartition des ressources plus équitable.

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