samedi 6 février 2016

Carol, Todd Haynes, 2015


Rooney Mara, Prix d'interprétation à Cannes


C'est avec un peu d'appréhension que je me suis installée pour assister à la projection de Carol. Beaucoup de choses étaient là pour me rassurer cependant. Todd Haynes en tête, dont j'ai vu peu de films mais qui m'ont cependant tous emballée. Velvet Goldmine m'avait envoyé une poignée de paillettes aux yeux à sa sortie en 1999, et la mini-série Midred Pierce constitue à elle seule une excellente raison de donner sa chance à Carol, dans la mesure où il s'efforçait déjà brillamment de reconstituer avec fidélité le quotidien des années 50 et 60. Ce qui suscitait tant d'appréhension chez moi, c'était le thème du film, la rencontre ambiguë entre une élégante bourgeoise new-yorkaise, Carol, et une jeune vendeuse, photographe à ses heures, Therese.


Cate Blanchett

Tomber dans le cliché aurait pu être très facile: la jeune vendeuse impressionnable se serait perdue dans une relation teintée de déséquilibre avec cette élégante femme du monde dont l'aisance et la volubilité auraient rapidement dévoré la jeune fille discrète, fascinée par la beauté et la prestance de cette femme visiblement très à l'aise. 



Cependant, au fil de l'histoire, Carol s'avère plus fragile qu'on ne pourrait le croire, alors que Therese, elle, se révèle moins lisse, tant et si bien que cette nouvelle relation brisera le masque cachant sa véritable personnalité. Les rôles finissent par s'inverser et contre toute attente, celle qui aurait dû jouer le rôle d'admiratrice quelque peu timide, finit par réaliser le pouvoir qu'elle exerce sur Carol. Si l'on ajoute à cela le mur de conventions sur lequel elles finiront par se briser, on obtient un film qui, plus que de raconter une histoire d'amour lesbienne, traite de la naissance d'une nouvelle image de la femme qui commencera petit à petit à se libérer de ses chaînes en progressant vers les années 60. Pour illustrer cela, évoluent devant nous les deux personnages principaux que Todd Haynes a voulus représentatifs l'un du passé, l'autre de l'émancipation à venir. Carol est une femme au foyer rassemblant aux stars hollywoodiennes des années 50, alors que Therese, vêtue de jupes corolles, de pantalons parfois, arborant une petite frange et les cheveux bruns d'Audrey Hepburn, promène le long du film une silhouette typique des années 60.


Rooney Mara


Pour reconstituer le monde des années 50, l'équipe du film a beaucoup travaillé sur les couleurs, la photographie et les costumes, et le tout est magnifiquement réussi. Mais ce qui a fait la différence par rapport à d'autres films traitant de cette époque de manière toute aussi habile, c'est que j'ai retrouvé dans les plans de Carol, quelques uns des tableaux d'Edward Hopper, peintre emblématique de cette époque des Etats-Unis. On y retrouve donc le rouge, le vert et les couleurs vieux-rose qui dominent cette époque, mais on y voit surtout des plans de personnages au demeurant très seuls, bien qu'ils soient entourés par la vie grouillante de New York.


Edward Hopper, Sunlights in Cafeteria
Cate Blanchett
Edward Hopper, The Automat
Cate Blanchett


Ce que je retiendrai donc de Carol, c'est une bonne surprise, et la sensation d'avoir vu un beau film illustrant parfaitement une époque qui me fait rêver depuis longtemps.

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